Guerra

André Breton

Miro a la bestia mientras se lame
Para confundirse mejor con todo lo que le rodea
Sus ojos color de oleaje
De súbito son la charca de donde sale la ropa sucia los detritus
La charca que detiene siempre al hombre
Con su pequeña plaza de la Opera en el vientre
Pues la fosforescencia es la clave de los ojos de la Bestia
Que se lame
Y su lengua
Arrojada nunca se sabe de antemano hacia dónde
Es una encrucijada de hogueras
Desde debajo de ellas contemplo su palacio
Hecho de lámparas metidas en sacos
Y bajo la bóveda azul de rey
Arquillos desdorados en perspectiva uno metido en otro
Mientras corre el aliento hecho con la generalización hasta el infinito de uno de esos miserables con el torso desnudo que se presentan en la plaza pública tragando antorchas de petróleo entre una agria lluvia de monedas
Las pústulas de la Bestia resplandecen con esas hecatombes de jóvenes con los cuales se ceba el Número
Los flancos protegidos por las reverberantes escamas que son los ejércitos
Inclinado cada uno de los cuales gira a la perfección sobre su bisagra
Aunque ellos dependan unos de otros no menos que los gallos que se insultan en la aurora de estercolero a estercolero
Se pone de relieve el defecto de la conciencia pero sin embargo algunos se obstina en sostener que va a amanecer
La puerta quiero decir la Bestia se lame bajo el ala
Y convulsionándose de risa se ve a los rateros al fondo de una taberna
El espejismo con el cual se había fabricado la bondad se resuelve
Es un yacimiento de mercurio
Podría muy bien lamerse de un solo golpe
He creído que la Bestia se revolvía hacia mí he vuelto a ver la suciedad del relámpago
Qué blanca es en sus membranas en el claro de sus bosques de abedules donde se organiza la vigilancia
En los cordajes de sus barcos en cuya proa se hunde una mujer que el cansancio del amor ha engalanado con su antifaz verde
Falsa alarma la Bestia guarda sus garras en una corona eréctil alrededor de sus senos
Trato de no vacilar demasiado cuando ella menea la cola
Que es a la vez carroza biselada y latigazo
Entre el olor sofocante de cicindela
Desde su litera manchada de sangre negra y de oro la luna afila uno de sus cuernos en el árbol entusiasta del agravio
Enroscándose con languidez horrorosa
Halagada
La Bestia se lame el sexo no he dicho nada
 


 
Guerre
 
Je regarde la Bête pendant qu'elle se lèche
Pour mieux se confondre avec tout ce qui l'entoure
Ses yeux couleur de houle
A l'improviste sont la mare tirant à elle le linge sale les détritus
Celle qui arrête toujours l'homme
La mare avec sa petite place de l'Opéra dans le ventre
Car la phosphorescence est la clé des yeux de la Bête
Qui se lèche
Et sa langue
Dardée on ne sait à l'avance jamais vers où
Est un carrefour de fournaises
D'en dessous je contemple son palais
Fait de lampes dans des sacs
Et sous la voûte bleu de roi
D'arceaux dédorés en perspective l'un dans l'autre
Pendant que court le souffle fait de la généralisation à l'infini de celui de ces misérables le torse nu qui se produisent sur la place publique avalant des torches à pétrole dans une aigre pluie de sous
Les pustules de la Bête resplendissent de ces hécatombes de jeunes gens dont se gorge le Nombre
Les flancs protégés par les miroitantes écailles que sont les armées
Bombées dont chacune tourne à la perfection sur sa charnière
Bien qu'elles dépendent les unes des autres non moins que les coqs qui s'insultent à l'aurore de fumier à fumier
On touche au défaut de la conscience pourtant certains persistent à soutenir que le jour va naître
La porte j'ai voulu dire la Bête se lèche sous l'aile
Et l'on voit est-ce de rire se convulser des filous au fond d'une taverne
Ce mirage dont on avait fait la bonté se raisonne
C'est un gisement de mercure
Cela pourrait bien se laper d'un seul coup
J'ai cru que la Bête se tournait vers moi j'ai revu la saleté de l'éclair
Qu'elle est blanche dans ses membranes dans le délié de ses bois de bouleaux où s'organise le guet
Dans les cordages de ses vaisseaux à la proue desquels plonge une femme que les fatigues de l'amour ont parée d'un loup vert
Fausse alerte la Bête garde ses griffes en couronne érectile autour des seins
J'essaie de ne pas trop chanceler quand elle bouge la queue
Qui est à la fois le carrosse biseauté et le coup de fouet
Dans l'odeur suffocante de cicindèle
De sa litière souillée de sang noir et d'or vers la lune elle aiguise une de ses cornes à l'arbre enthousiaste du grief
En se levant avec des langueurs effrayantes
Flattée
La Bête se lèche le sexe je n'ai rien dit
 
 
André Bretón, “1940-1943”, en Poemas II, trad. M. Álvarez Ortega (Madrid: Visor Libros, 1993), 92-7.